14 heures 30 Centre Culturel de Vichy
Guillaume Pollack est un jeune historien qui vient de soutenir, en 2020, sous la direction d’Alya Aglan, une thèse de doctorat, A travers les frontières, la résistance des réseaux 1940-1945, dont il a tiré un livre paru l’an dernier aux éditions Tallandier, en association avec le ministère des Armées : L’armée du silence. Histoire des réseaux de résistance en France. Le livre a été honoré d’un prix spécial par la Fondation de la Résistance.
Depuis quelques décennies, il est convenu, chez les historiens, de distinguer deux catégories d’organisations résistantes, même si cette distinction doit être nuancée. D’une part les mouvements à vocation politique, dont les plus connus sont Combat, Franc-Tireur, Libération Nord, Libération Sud, Défense de la France, l’Organisation Civile et Militaire (OCM). Cherchant un recrutement le plus large possible, ils entreprennent une action de propagande par les tracts, les journaux. Leur fonctionnement est assez bien connu, d’abord par les mémoires publiées par leurs dirigeants (entre autres, Claude Bourdet, L’aventure incertaine, Paris, Stock, 1975, Henry Frenay, La nuit finira, Paris Robert Laffont, 1973, Emmanuel D’Astier de la Vigerie, Sept fois sept jours, Paris, Gallimard, 1961), mais aussi par les travaux d’historiens (Laurent Douzou pour Libération Sud, Olivier Wieviorka pour Défense de la France, Alya Aglan pour Libération Nord).
D’autre part les réseaux qui sont en charge du renseignement, du sauvetage et de l’évasion, ou de la mise en place d’actions, de sabotage par exemple. Limités en effectifs pour des raisons de sécurité, souvent cloisonnés, ils sont le fait au départ d’individus isolés qui s’organisent de façon informelle, souvent très risquée, puis qui se lient à une centrale qui les organise et à un service situé à l’étranger, qu’il s’agisse des services anglais, MI6-, MI9, SOE, ou américains, l’OSS, ou de ceux de la France Libre (BCRA). D’emblée, ces réseaux sont donc transnationaux et transfrontaliers, composés de personnes venues de pays divers, français, certes, mais également belges, luxembourgeois, anglais. Souvent organisée par des proches, par des familles, avec une activité forte des femmes, cette résistance de réseau montre que la Résistance fut un fait social dépassant largement les cadres bien léchés des organigrammes présentés après-guerre. Cette résistance par capillarité fut donc un vaste halo, organisé autour de quelques pôles, mais mettant en activité des acteurs nombreux, restés souvent anonymes, mal reconnus, mais dont le rôle fut décisif, qu’il s’agisse d’agents de renseignement ou des helpers qui sauvent des aviateurs tombés sur le sol français et des personnes menacées auxquelles ils font passer les frontières. Après 1945, 264 réseaux seront officiellement reconnus : Pat O’Leary, Comète, Bourgogne pour le sauvetage, Confrérie Notre-Dame, Marco Polo pour le renseignement parmi bien d’autres. Certains de ces réseaux furent très actifs à Vichy même : Alliance, dont les prodromes ont été posés dans la ville, mais aussi Hi-Hi que Suzanne Bertillon anima à Vichy entre 1941 et 1944.
Or, sur cette forme de résistance, ont été publiés jusqu’à ce jour de nombreux livres rédigés par des acteurs de ces réseaux, avec tous les risques de réinterprétation liée à la mémoire ; l’on pense aux multiples récits de Rémy sur l’histoire du réseau Confrérie Notre-Dame, au livre de Marie-Madeleine Fourcade, L’arche de Noé (Paris, Fayard 1968). Mais peu de livres d’historiens. C’est dire que celui de Guillaume Pollack comble un vide et nous nous réjouissons de l’entendre pour évoquer cette dimension essentielle de la Résistance.